jeudi 14 août 2014

Maryam Mirzakhani, étudiante de l’Université Sharif de Téhéran



 

13 août 2014

L'Iranienne partage les médailles Fields 2014 avec trois autres mathématiciens, dont le franco-brésilien Artur Avila.

Maryam Mirzakhani, 37 ans, et première femme à obtenir la médaille Fields, l'une des plus prestigieuses récompenses en mathématiques. Cela n’était bizarrement jamais arrivé. La médaille Fields, qui récompense tous les quatre ans les meilleurs mathématiciens du moment, a été décernée… à une femme. C'est une première, après 52 hommes honorés entre 1936 et 2010.
Au côté de l’Iranienne Maryam Mirzakhani (photo), le franco-brésilien Artur Avila, directeur de recherche au CNRS, l’Autrichien Martin Hairer et le canado-américain Manjul Bhargava sont également primés à l'occasion du congrès international des mathématiciens qui s'est ouvert mercredi à Séoul.
Maryam Mirzakhani, étudiante de l’Université Sharif de Téhéran, la plus prestigieuse en Iran, titulaire d’un doctorat de Harvard (Massachussetts) et aujourd’hui professeur à Stanford, en Californie, représente à elle seule un progrès considérable d’autant plus spectaculaire qu’elle est iranienne et le pur produit d’une société peu soucieuse de la parité.
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Maryam Mirzakhani est une spécialiste dans la géométrie des formes inhabituelles et a découvert de nouvelles façons de calculer les volumes d’objets avec des surfaces hyperboliques, comme par exemple une selle de cheval.
Quelle est l’importance de la médaille Fields, qui l’a créée, et dans quel objectif ? Le point en six questions.

1/ La médaille Fields, c’est pareil que le prix Nobel ?

Souvent comparée au prix Nobel, pour le prestige qu’elle apporte à son titulaire, la médaille Fields est remise tous les quatre ans à un maximum de quatre mathématiciens de moins de quarante au 1er janvier de l’année en cours, au cours du Congrès international des mathématiciens. Elle récompense donc les travaux de jeunes mathématiciens quand le Nobel est attribué à des chercheurs, des écrivains ou des personnalités pour l’ensemble de leur œuvre. La médaille Fields s’accompagne d’un chèque de 10.000 euros.

2/ Pourquoi n’y a-t-il pas de prix Nobel de maths?

Réponse farfelue : La femme d’Alfred Nobel l’aurait trompé avec un mathématicien. Absurde, il n’était pas marié… Il est plus probable que l’inventeur de la dynamite ait voulu mettre en avant des sciences réputées utiles pour améliorer les quotidiens de l’humanité : la physique, la chimie ou la médecine. Il ajouta la littérature et la Paix. A l’époque les mathématiques n’apparaissaient que comme une science utile, mais qui n’avait pas d’influence directe sur la vie quotidienne.
Les académies royales de Norvège et de Suède ont depuis l’une et l’autre mis en place un prix pour récompenser les sciences «oubliées». Respectivement, le prix Abel et le prix Crafoord, récompensent des scientifiques pour l’ensemble de leur œuvre et notamment des mathématiciens. Le Belge Pierre Deligne a fait la passe de trois : Fields en 1978, Crafoord en 1988 et Abel en 2013.

3/ Combien de médailles?

Mise en place par le mathématicien canadien John Charles Fields pour récompenser «une réalisation exceptionnelle en mathématique», la médaille Fields a été attribuée pour la première fois en 1936 à deux mathématiciens. Le comité de sélection suspendra ses travaux pendant la Seconde guerre mondiale pour attribuer deux nouvelles médailles en 1950. A partir de 1966, le quota quadri annuel passe à quatre médailles. Au total, entre 1936 et 2014, 56 médailles ont récompensé des chercheurs représentant dix-sept nationalités différentes. Les Etats-Unis et la France sont les deux grandes écoles récompensées respectivement par 13 et 12 médailles (en incluant Alexandre Grothendieck, apatride quand il reçoit la médaille en 1966, mais qui est un pur produit de l’école française). La Russie vient en troisième position avec 9 médailles.

4/ Qui l’a refusée?

En 1966, Alexandre Grothendieck, apatride à l’époque, a refusé de se rendre à Moscou pour recevoir la médaille Fields. Fils d’un anarchiste russe, vaincu par les bolcheviks au début des années 20, il ne voulait pas cautionner un régime qui, de plus, venait de condamner au goulag deux écrivains, Iouli Daniel et Andreï Siniavski, qui avaient publié des ouvrages à l’Ouest sans autorisation. L’année suivante, il remettra symboliquement la médaille au gouvernement du Nord Vietnam pour protester contre l’engagement américain. Plus tard, il regrettera d’avoir accepté la médaille Fields.
En 2006, Grigori Perelman (Russe) a refusé la médaille Fields et l’argent qui va avec, en expliquant : «Ils m’ont proposé trois solutions : accepter le prix et aller le chercher, l’accepter et ne pas venir, me proposant de me l’envoyer plus tard, enfin ne pas accepter le prix. Depuis le début je leur dis que j’ai choisi de ne pas recevoir le prix qui n’a aucun sens pour moi. Chacun sait que ma démonstration [de la conjecture de Poincaré, ndlr] est juste, je n’ai pas besoin d’autre forme de reconnaissance.»

5/ L’âge du médaillé?

La règle veut que le chercheur ait moins de quarante ans. Auparavant, il ne devait pas atteindre la limite d’âge avec la remise de la médaille, en général au moins d’août. Cette règle a été assouplie puisque les médaillés doivent avoir 40 ans dans l’année civile. Cette année, Manjul Bhargavan bénéficie de cette règle puisqu’il est né le 8 août 1974.
Le plus jeune médaillé Fields à ce jour reste le Français Jean-Pierre Serre qui la reçu à 27 ans, en 1954, deux ans avant d’être élu professeur au Collège de France.

6/ Qui est ce Fields et ça rapporte combien? 

John Charles Fields, mathématicien, né au Canada en 1863, mort en 1932, lègue ses biens pour créer un prix international pour récompenser «un accomplissement particulièrement remarquable en mathématique». Sur l’avers est gravé une citation du poète et astronome latin Marcus Manilius : «Transire suum pectus mundoque potiri» Astronomica, IV, v. 392. Que l’on peut traduire par: «Dépasser ses limites pour se rendre maître de l’univers par la connaissance». Les lauréats reçoivent 15.000 dollars canadiens, soit environ 10.000 euros.
Philippe DOUROUX

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